Amnéville-les-Thermes, 7 Octobre 1999
Résumé de présentation au 3ème congrès national
des praticiens hospitaliers par le Pr. Gilles-Eric SERALINI :
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Des modifications génétiques par transgenèse sont réalisées aujourd'hui sur
tous les types d'organismes vivants : virus, bactéries, levures, céréales, légumes,
fruits et donc arbres, poissons, animaux de ferme et de laboratoire.
L'ajout de gènes étrangers de n'importe quelle espèce à un patrimoine génétique s'accompagne généralement de modifications préalables du ou des transgènes : mutations silencieuses pour optimisation de l'utilisation du code génétique en fonction de l'espèce, mutations pour changer la séquence protéique attendue éventuellement, séquences régulatrices (notamment promoteurs de virus, introns) ajoutées pour une surexpression du transgène bactérien dans la plante par exemple.
De plus, des gènes marqueurs ou des restes de plasmides (voire parfois le plasmide
entier), sont introduits avec la séquence d'intérêt agronomique dans la plupart
des plantes transgéniques commercialisées ou en demande d'autorisation.
Ceci permet de faciliter, et donc de raccourcir dans le temps et de rendre moins
cher, le processus de sélection, mais n'est pas indispensable.
Plusieurs sociétés ont émis l'intention de s'en passer dans un avenir plus ou
moins proche.
Enfin, l'adjonction génétique ne se fait pas encore de manière ciblée dans l'organisme hôte, et l'insertion peut être en plusieurs sites des chromosomes.
Dans ce contexte, les enjeux commerciaux et éthiques sont considérables, avec
en corollaire la prise de brevets sur le vivant grâce aux OGM.
Ils expliquent certains débats, ou peuvent permettre de mieux comprendre des
précipitations pour des importations d'OGM non identifiés malgré la loi européenne
sur l'étiquetage.
Les risques et enjeux liés aux OGM sont donc de nature éthique, économique, environnementaux, et de santé.
Au niveau de la santé, nous différencierons les OGM destinés à produire des
médicaments ou des produits phytopharmaceutiques (ex. collagène recombinant),
qui seront reglementés comme des médicaments s'ils sont absorbés, et les aliments.
En ce qui concerne ces derniers, les contrôles de toxicité chronique sur animaux
et certains contrôles de toxicité aigüe avec le produit non purifié, ou d'allergénicité,
font défaut.
C'est un principe d'équivalence en substance qui est prépondérant : si la composition
chimique de l'aliment apparaît équivalente à l'aliment classique non transgénique
(avec les imprécisions liées à cette définition), les contrôles suivants sont
considérablement allégés, nous indiquent des instances telles que la Food and
Drug Administration.
Pourtant, les 2/3 des plantes transgéniques sont génétiquement modifiées pour
produire ou tolérer des pesticides, donc des produits toxiques pour certains
organismes, dont les résidus, en particulier liposolubles, sont susceptibles
de s'accumuler dans la chaîne alimentaire, et d'avoir des effets toxiques à
long terme.
Ainsi, six types de risques pour la santé peuvent être évalués au cas par cas
en fonction de l'OGM - aliment :
(1) effets de l'insecticide protéique, pour les plantes en produisant telles
le maïs Bt,
(2) effets de l'herbicide et de ses résidus et adjuvants dans la plante, dont
le métabolisme a été modifié afin qu'elle ne meure plus en présence du désherbant,
comme pour le soja tolérant au glyphosate ou le maïs tolérant au glufosinate
ammonium,
(3) allergénicité en fonction des protéines étrangères introduites, et de leur
niveau d'expression,
(4) augmentation à long terme des résistances aux antibiotiques, en fonction
des gènes marqueurs présents transmissibles aux bactéries par le sol lors de
la culture ou après la culture, et/ou dans la flore digestive pathogène animale
ou humaine, comme avec le gène de résistance à l'ampicilline (famille des pénicillines)
dans le maïs Cb,
(5) effets des séquences virales du transgène, en particulier pour les plantes
rendues résistantes aux virus, sur les recombinaisons avec des gènes viraux,
pouvant créer de nouveaux virus; même spécifiques aux plantes, ceux-ci seraient
alors susceptibles de contaminer les cultures dont la diversité diminue,
(6) effets non prévisibles dus à des interactions métaboliques dans la plante
ou chez certaines catégories de consommateurs (bébés, malades, etc.).
Chacun de ces effets est documenté par des études, des publications.
Ainsi au regard de nos connaissances actuelles, commercialiser des produits
de plantes transgéniques sans étiquetage visible et fiable " issu d'OGM ", et
sans contrôles de toxicité chronique adéquats sur animaux, comme pour les médicaments,
nous apparaît correspondre à une prise de risques inutiles.
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Pr. Gilles-Eric SERALINI (membre de la Commission du Génie Biomoléculaire et
du Comité provisoire de biovigilance sur les OGM),
IBBA, Université de Caen,
Esplanade de la Paix
14032 Caen Cédex
France
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