AU NOM DE LA RAISON
Les faits qui vont être jugés à Montpellier le 8 février 2001 (sabotage
d’un riz transgénique expérimental du CIRAD à l’initiative de la «Caravane
intercontinentale») ont marqué, en juin 1999, le point culminant de
la campagne menée pendant près de deux ans contre les applications agricoles
du génie génétique.
Le but avait été d’«aller au bout de ce qui avait été commencé, en
passant de coups de main contre les compagnies privées aux premières
offensives, nécessairement frontales, contre la recherche publique.
Pas la recherche publique introuvable qu’une vertu "sui generis"
sanctuariserait l’exonérant de toute responsabilité dans le monde comme
il va, mais la recherche publique réelle, prise la main dans le sac
de ce qu’elle produit». (1)
L’introduction de ces «OGM agricoles» qui serait sans doute passée
inaperçue sans cette sorte de "campagne d’information", a
été assez généralement ressentie comme révoltante, et une aura de sympathie
a entouré ceux qui s’étaient ainsi publiquement opposés à ce nouveau
seuil dans l’artificialisation de la vie.
C’est qu’avec une telle dispersion de chimères génétiques commençait
à s’appliquer à grande échelle le projet de soumettre irréversiblement
à la logique industrielle le coeur de la vie naturelle, son autonomie
à se reproduire ; que cette stérilisation apparaissait là, dans l’agriculture,
comme une atteinte à ce qu’on avait voulu croire préservé des anciens
liens avec la nature ; qu’enfin il était réconfortant de penser qu’il
se trouvait parmi les plus directement menacés, les agriculteurs, une
capacité de réaction partout ailleurs perdue, si ce n’est même une attention
à la sécurité alimentaire des citadins.
Mais la tentative de supplanter la nature, de lui substituer une technosphère
bureaucratiquement gérable, a seulement "commencé" alors a
être jugée pour ce qu’elle est.
L’expulsion de la nature, son refoulement dans quelques parcs "multifonctionnels"
protégés, ne signifierait en effet pas seulement la fin de toute paysannerie
(là où elle existe encore) et des savoirs acquis dans l’appropriation
raisonnable du milieu, mais aussi celle de la raison humaine elle-même
; laquelle n’a pu se constituer qu’en rencontrant, sous la forme de
la nature extérieure et intérieure à l’homme, une limite, quelque chose
qui lui résistait : «ce dehors dont l’homme a besoin pour n’être pas
enfermé en lui-même, c’est-à-dire pour ne pas sombrer dans le solipsisme,
le délire idéologique de toute-puissance.»
"A contrario", on constate déjà, sur les enfants élevés hors
sol, à l’ordinateur, ce qu’est la "formation" d’un être qui
ne trouve devant lui que l’univers interactivement malléable des représentations
numérisées.
A l’heure où la domination se propose, à coups d’expérimentations génétiques
aveugles, de refermer sur l’humanité sa prison technologique "et
d’en jeter la clef", le temps nous est plus que jamais mesuré.
Non par la venue prochaine d’une improbable perfection totalitaire :
la technosphère bien fonctionnelle qu’on nous prépare (2) sera à n’en
pas douter aussi "sûre" qu’un gigantesque hôpital ultramoderne
géré par informatique.
Mais parce qu’il restera bien peu à jouer pour la liberté quand ce seront
des hommes bien plus dépendants encore, faute d’être sortis à temps
et volontairement de l’incarcération industrielle, que des débâcles
"high tech" priveront des commodités de la vie artificielle
et jetteront brutalement dans un monde dévasté.
Effrayés d’être livrés à eux-mêmes, débilités, sans mémoire, et donc
sans imagination pour faire autre chose, sous le fouet de la nécessité,
que de recycler les vestiges des anciennes soumissions, vers quels nouveaux
protecteurs se tourneront-ils ?
Après l’exemple de chimères génétiques agricoles, et alors que le désastre
d’un mode de production est si patent (en particulier avec le détraquement
climatique, aux effets sur la vie naturelle plus directs encore que
ceux des manipulations génétiques), les conditions existent pour qu’une
opposition anti-industrielle émerge et se déclare comme telle.
S’il n’est pas élargi à l’ensemble des contraintes technologiques,
le terrain de la «lutte anti-OGM» restera occupé, c’est-à-dire parasité,
par divers succédanés de critique, qui se combinent d’ailleurs aisément
dans la pâte molle de la rhétorique anti-mondialiste : la complaisante
dénonciation façon Attac ou "Monde diplomatique", où l’indignation
se sanctifie elle-même comme summum de la conscience, sans qu’on dise
jamais rien contre le mode de vie moderne (on s’y émerveille fort des
espaces de liberté ouverts par le cyber-militantisme), et encore moins
contre l’Etat, auquel on s’en remet pour instaurer, un jour peut-être,
la transparence et le bonheur citoyen ; le consumérisme écologiquement
correct, qui réclame de «bons produits», voire une «vie saine», pour
continuer à supporter l’industrialisation totale du monde (on voit comment
le corporatisme à peine masqué de la Confédération paysanne ou d’un
Bové, inculpé avec Riesel dans le procès de Montpellier, contribue à
alimenter l’illusionnisme publicitaire de l’agro-industrie labellisée
terroir) ; enfin, le gauchisme prolongé, toujours en quête de "justes
causes" pour soutenir son bluff activiste, et qui ne veut surtout
pas réfléchir aux enjeux réels de l’oppositions aux nécrotechnologies,
préférant noyer tout cela dans sa vieille soupe de slogans «anticapitalistes»
(ce gauchisme mouvementiste sert d’ailleurs très volontiers de piétaille
manifestante et de masse de manoeuvre aux néo-étatistes et citoyennistes,
comme on l’a vu récemment à Nice).
Dans ces diverses consolations que procure la fausse conscience -
car il est consolant d’imaginer un capitalisme qui ne serait pas le
processus même de la mécanisation du monde, mais seulement son excroissance
marchande, on retrouve le même compromis illusoire entre ce qu’on est
bien obligé d’admettre et ce qu’on veut continuer à croire. Il faut
pourtant aller jusqu’aux dernières conséquences de la critique si l’on
veut combattre le rationalisme technologique "au nom de la raison"
(et non d’une des multiples illusions de sortie individuelle et immédiate
du monde industriel que cette société s’empresse de fournir elle-même
: spiritualités de synthèse, naturisme sectaire, irrationnalisme illuminé,
cyber-vie à la campagne, etc...).
Quand un biologiste un peu moins décervelé que ses confrères remarque
qu’un homme bricolé génétiquement, avec échange standard des pièces
défectueuses, cerveau compris, perdrait alors «toute identité, toute
conscience de soi»(3), il convient de comprendre que c’est seulement
dans la mesure où cette «conscience de soi» s’est déjà éteinte qu’il
devient possible d’envisager comme une bonne nouvelle la totale dépendance
ainsi promise envers les prothèses technologiques et les tripatouillages
génétiques, sans même voir que cette promesse sordide est en outre un
plat mensonge, comme toute pseudo-médecine qui prétend adapter l’homme
à un milieu morbide.
Les bricolages de la transgénèse échoueront bien sûr à nous transporter,
misérablement immortels, dans un pays de cocagne cybernétique.
Mais dans quel état sera la «conscience» des hommes qui auront espéré
cela, accepté d’être les dociles cobayes de telles expériences de cryogénie
"in vivo" ? Avant que la pression de la nécessité n’impose
tout simplement les procédures d’urgence et de mise sous perfusion de
la nature moribonde (par exemple face au besoin d’adapter les cultures
au nouveau régime climatique), on invoque encore, pour justifier l’acharnement
technologique, l’atavique et insatiable curiosité humaine, ou encore
le goût non moins ancré en l'homme de l’aventure, de la nouveauté, de
la variété, etc...
En réalité, pour tout individu sensé, c’est-à-dire qui n’a pas renoncé
à l’usage raisonné de ses sens, il n’y a rien qui puisse satisfaire
ou même éveiller la curiosité dans cette entreprise de simplification
qui ne procède jamais que par la dévitalisation, la stérilisation méthodique
: on ne sort jamais du laboratoire, on l’étend à tout, pour retrouver
partout les mêmes présupposés mécanistes et les mêmes procédures techniques.
Et cette uniformisation lugubre serait une "aventure" ? L’aventure
et la "découverte", ce serait bien plutôt de nous affranchir
des entraves de nos prothèses et de nos écrans, de retrouver la vie
des sensations directement éprouvées, sans filtre numérique, d’aller
"à pied" à la rencontre du monde des nécessités matérielles,
des réalités tangibles sur lesquelles on peut agir par soi-même ; et
d’expérimenter chemin faisant des formes de communauté capables
de choisir en toute conscience leurs outils techniques comme leurs modes
d’association et d’entraide.
Quant aux urgences qu’impose d’ores et déjà le délabrement de la survie
administrée, ce sont aussi de telles communautés, libres parce que restreintes,
qui pourraient effectivement y faire face, bien mieux en tout cas que
la société de masse avec sa surenchère dans le gigantisme, qui ne «résoud»
les problèmes qu’en les amplifiant.
Une critique de la société industrielle ne peut s’épargner d’en réfuter
tout le "système des besoins" (que l’on se souvienne seulement
de la façon dont les luttes antinucléaires s’étiolèrent et disparurent
faute de remettre en cause les besoins justifiant la démesure énergétique).
Cela impose tout d’abord une claire démarcation d’avec tous les "progressismes",
en coupant court aux discussions métaphysiques sur l’essence vertueuse
(ou non) de la recherche scientifique, publique ou privée : de quelles
bonnes intentions ou de quelle perspective d’avenir radieux y aurait-il
encore à la créditer, alors que nous suffoquons sous ses "retombées"
?
Dans le monde du monopole industriel et marchand des sciences, des arts
et des métiers, "on n’est pas scientifique innocemment".
Au-delà d’une élémentaire solidarité, le procès de Montpellier peut
être l’occasion de défendre les meilleures raisons du sabotage de chimères
d’Etat, celles que vont tenter d’obscurcir les prévisibles tirades sur
la «recherche publique» et son «contrôle citoyen».
Que chacun prenne donc ses dispositions pour que l’insignifiance n’ait
pas cette fois le monopole de la parole, et que ceux qui n’ont rien
à dire ne soient pas comme d’habitude les seuls à s’exprimer.
A défaut de quoi la «mobilisation» pour ce procès s’ajoutera à la liste
des non-événements fastidieusement festifs, kermesses à la mode Millau
et autres parades carnavalesques de bons sentiments.
Encyclopédie des Nuisances, 12 janvier 2001.
-----
1. René Riesel, texte pour le magazine "l’Ecologiste", automne
2000, repris dans la nouvelle édition augmentée des "Déclarations
sur l’agriculture transgénique et ceux qui prétendent s’y opposer",
Editions de l’ Encyclopédie des Nuisances, Paris,2001.
2. Par exemple en expérimentant de jeter de la limaille de fer dans
l’océan austral, pour y doper la photosynthèse des organismes planctoniques,
et donc leur capacité à consommer du CO2, l’augmentation des gaz à effet
de serre cessant dès lors d’être un problème.
3. Article du "New York Times magazine" cité dans "Courrier
international", 21 décembre 2000.
|
COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°200) - EXTRAIT
09/01/2001
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Office Européen des Brevets :
Propriété Intellectuelle ? Non, Pollution Intellectuelle ! ____________________________________________________________
Après neuf jours de discussions intenses s'achevait à Munich, le 29
novembre dernier, la Conférence pour la révision de la Convention sur
le Brevet Européen (CEB). Etait notamment à l'ordre du jour une éventuelle
modification de l'article 52.2, article définissant l'exception sur
le brevet logiciel. Il stipule en effet que le dépôt de brevet sur un
logiciel en tant que tel n'est pas valable en Europe, ce qui entrave
passablement l'hégémonie des multinationales du secteur informatique.
Et c'est une chance ! Quel est le résultat à l'issue de cette conférence
? Rien n'a changé, mais alors, malheureusement, rien du tout. L'Office
Européen des Brevets pourra continuer avec ses pratiques scandaleuses
en matière de Propriété Intellectuelle. Mais alors, qui songe à protéger
les Européens, face à cette captation toujours plus large par des intérêts
privés de tous les champs des activités intellectuelles, dont le logiciel
n'est qu'une partie. État des lieux à la veille du Sommet de Nice où
la propriété intellectuelle risque de subir les derniers outrages.
La conférence diplomatique visait à généraliser la brevetabilité dans
tous les domaines, y compris pour des sujets relevant du vivant ou de
la pensée. L'un des enjeux était donc la mise en place, ou non, de brevets
sur les logiciels, alors que ceux-ci ne sont que de la logique appliquée.
Les enjeux économiques liés au brevetage des logiciels sont certes
considérables, mais les enjeux de société sont immenses. Et bien que
les brevets sur les logiciels soient en théorie interdits en Europe,
l'Office Européen des Brevets (OEB) et des lobbies puissants, inspirés
par la pratique américaine, n'ont eu de cesse d'officialiser ce brevetage
à l'occasion de cette conférence. Pourtant la mobilisation de différentes
organisations et de milliers de citoyens a permis qu'un début de débat
soit engagé in extremis par la Commission Européenne, sous la forme
d'une consultation en ligne qui doit se terminer le 15 décembre ([1]).
Ainsi, devant cette intense mobilisation citoyenne, 17 des 20 pays
membres de la CEB ont choisi de ne pas remettre en cause, pour l'instant,
l'exception sur les programmes d'ordinateurs en tant que tels. Statu
quo, donc.
Nous pourrions nous réjouir de cette décision. Or cela ne change strictement
rien à la situation actuelle. En effet, cette décision ne remet pas
en cause la jurisprudence actuelle scandaleuse de l'Office Européen
des Brevets. Nous déplorons que l'on ne mette pas aujourd'hui un frein
aux brevets déposés sur les techniques logicielles.
La lecture du discours de clôture de Roland Grossenbacher, président
du conseil d'administration de l'OEB, est assez édifiante ([2]) :
« ... Il convient tout d'abord de constater que la Conférence a décidé
de ne pas supprimer les programmes d'ordinateurs de la liste des inventions
non brevetables. ... La pratique actuelle de l'Office et de ses chambres
de recours ainsi que des offices de brevets et des tribunaux nationaux
n'est donc aucunement remise en question. Les inventions mises en oeuvre
à l'aide d'ordinateurs pourront continuer à être brevetées si elles
apportent une contribution technique nouvelle et inventive à l'état
de la technique connu. Les procédés techniques dans le domaine du traitement
des données ou pour la mise en oeuvre de méthodes dans le domaine commercial
sont donc toujours brevetables. Cette pratique découle de la notion
même d'invention, qui distingue clairement les solutions techniques
des méthodes non techniques. ... »
Mais l'OEB joue sur les mots : montrez-moi un logiciel, un programme
d'ordinateur, qui n'ait pas d'effet technique ! Ca n'existe tout simplement
pas, car tout logiciel est destiné à être utilisé dans un but technique
bien précis. Alors, brevetons à loisir, toutes les techniques logicielles
possibles et imaginables, peu important les conséquences... mais tout
en restant dans la légalité auto-proclamée par l'OEB (voir la « Galerie
des Horreurs des brevets logiciels en Europe », [3]).
Aujourd'hui, à l'issue de la conférence diplomatique, le principal
subsiste : la pratique, c'est à dire la jurisprudence illégale de l'OEB.
Le statu quo actuel est affligeant : soit les états de la CEB veulent
exclure les logiciels du champ des brevets, et ils doivent mettre fin
à la jurisprudence illégale de l'OEB, et ainsi exclure clairement tous
les programmes d'ordinateurs (effets techniques ou pas, puisque, on
l'a vu, tout programme a des effets techniques), soit réviser la Convention
comme prévu initialement, ce qu'ils n'ont pas fait. La dérive jurisprudentielle
de l'OEB devrait nous conduire à cette constatation : il n'est plus
possible de conserver la loi en l'état, si elle permet de telles dérives.
Pourtant, une telle évidence n'a apparemment pas sauté aux yeux de nos
représentants, qui jouent allègrement la politique de l'autruche : et
même la délégation française, alors qu'elle a pris position pour le
statu quo, semble bien approuver les pratiques actuelles (voir [4]).
Dans l'affaire des brevets, c'est donc la jurisprudence de l'OEB qui
altère l'esprit de la loi, qui la vide de son sens. Mais les États ont
désormais une façon très simple de lutter contre les pratiques illégales
: ils en font des lois ! Exemple d'actualité, l'Union Européenne qui
est en passe d'adopter à Nice une Charte extrèmement dangereuse pour
la souveraineté des États et le contrôle démocratique de la pratique
juridique en Europe...
D'une certaine manière, l'affaire des tripatouillages de la législation
sur les brevets est encore plus symptomatique car elle réalise une étape
supplémentaire : ce n'est plus un organe de la Communauté Européenne
qui dérive, mais l'OEB, un organisme international indépendant, et à
but strictement lucratif ! Pour avoir un compte un peu exact des pratiques
illégales de l'OEB, il suffit de consulter l'article de Gregory Aharonian
qui contient des statistiques détaillées sur les procédures d'examen
des brevets, et montre que 90 % des brevets logiciels attribués par
les offices de brevets sont invalides ([5]).
La volonté intéressée de l'OEB est de modifier l'esprit de la loi en
légalisant des pratiques qui le violent. Notre volonté est de reformuler
la loi pour que sa lettre en respecte l'esprit.
Malheureusement, le logiciel n'est pas le seul concerné par les problèmes
de la brevetabilité. Voir, par exemple, le dossier de l'association
Act-Up (« Sida : mort sous brevet », [6]), et concernant les pratiques
scandaleuses de l'OEB le communiqué des Verts du 23/11/2000 ([7]) :
« Alors que seuls trois Etats de l'Union ont transcrit la directive
européenne autorisant à breveter le vivant, l'Office européen des brevets
tente de forcer la main aux Etats. Le 16 juin 1999, il intégrait la
directive dans la convention européenne des brevets alors que celle-ci
inter dit la prise de brevets sur le vivant. Les Verts refusent ce
véritable hold-up sur le vivant, fait dans l'ombre par un organisme
qui ne rend de compte à personne, et réalisé par le Conseil d'administration
qui n'en a pas les compétences. Cet acte est illégal, mais ne peut être
déféré devant la Cour de Justice des Communautés Européennes, car l'Office
ne fait pas partie de l'Union européenne. Aujourd'hui, l'Office tente
de régulariser cette opération en faisant modifier la convention par
l'ensemble des Etats réunis à Munich. Et il en profite pour demander
une extension des compétences du Conseil d'administration afin de pouvoir
intégrer seul les modifications à venir... »
A la veille de la conférence intergouvernementale de Nice, dont l'ordre
du jour contient une modification des règles de décision concernant
les services et la propriété intellectuelle, personne ne peut nier que
le problème est global (voir l'article de Madame Anne-Cécile Robert,
[8]).
Les principes de la propriété intellectuelle sont soumis à des assauts
répétés. Les renoncements de Munich à peine constatés que le sommet
de Nice se pointe à l'horizon... Par la modification de l'article 133
du traité d'Amsterdam ([9]), on vise à ramener « les services, les investissements
et les droits de la propriété intellectuelle » dans le « champ d'application
de la politique commerciale », c'est-à-dire, en particulier, à exclure
ces questions du domaine du vote à l'unanimité, pour leur appliquer
un vote à la majorité qualifiée qui induira, automatiquement, des solutions
ultra-libérales, c'est-à-dire anti- européennes.
La révision de l'article 133 donnerait également des pouvoirs étendus
à la Commission Européenne pour les négociations au sein de l'OMC pour
la révision de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS)
et l'Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce
(ADPIC) qui risquerait d'appliquer les règles de l'OMC notamment au
secteur de la propriété intellectuelle (voir, à ce sujet, le dossier
d'ATTAC et notamment l'article de Madame Susan George, [10]).
Devant cette actualité multiple sur le front de la propriété intellectuelle,
nous appelons donc tous ceux qui ont été élus pour exercer notre souveraineté
à se resaisir. Nous demandons tout particulièrement au gouvernement
et au Président de la République (actuel Président de l'Union Européenne)
de reprendre le contrôle de l'Office Européen des Brevets, pour mettre
un terme à ses pratiques, et à se souvenir des intérêts dont ils ont
la charge en refusant la modification de l'article 133 du traité d'Amsterdam.
A. Références
1. Consultation d'Eurolinux :
http://petition.eurolinux.org/consultation
et consultation européenne
http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/intprop/indprop/softpatfr
.htm
2. Déclaration de M. Roland Grossenbacher :
http://www.european-patent-office.org/news/pressrel/2000_11_29_f.htm
3. Galerie des Horreurs de la FFII :
http://swpat.ffii.org/vreji/pikta/indexen.html
4. Avis de la délégation française lors de la Conférence Diplomatique
:
http://www.european-patent-office.org/epo/dipl_conf/pdf/dm00008.pdf
5. Le système d'examen des brevets est intellectuellement corrompu
par Gegory Aharonian :
http://www.bustpatents.com/corrupt.htm
6. « Sida : mort sous brevet » :
http://www.actupp.org/1er_decembre/decembre2000/index.html
7. Communiqué des Verts du 23/11/20000 :
http://www.verts.imaginet.fr/communiq/com2000/com0011.html#ancre318334
8. « Une Charte cache-misère », par Anne-Cécile Robert, Monde Diplomatique,
décembre 2000
9. Extension du vote à la majorité qualifiée :
http://europa.eu.int/comm/igc2000/geninfo/confer4789_fr.pdf
10. Alerte rouge sur le "133":
http://www.attac.org/fra/list/doc/george.htm
B. APRIL
L'APRIL, Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique
Libre, créée en 1996, est composée de professionnels de différentes
sociétés ou administrations, de chercheurs et d'étudiants. Elle a pour
objectif de sensibiliser les entreprises, les administrations et les
particuliers sur les risques des solutions propriétaires et fermées,
et de les informer des potentialités offertes par les logiciels libres
et les solutions basées sur des standards ouverts.
Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à
l'adresse suivante : http://www.april.org,
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Contact Presse :
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Tél : 06.60.68.89.31
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COURRIEL D'INFORMATION ATTAC
(n° 187) du 21/11/2000
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De ce numéro, extraits en bref...
1- Nice 2000. Pour tout savoir sur tout ce qui se prépare.
2- Nice 2000, alerte rouge sur le « 133 ». L'un des sujets les plus
préoccupants celui du changement dans le mode de prise de décision du
représentant de l'Union européenne pour le commerce, Pascal Lamy. Le
bloquer et le faire échouer seront l'un des enjeux majeurs de nos mobilisations.
3- Nice 2000 vu du MEDEF. A lire sans modération. On dirait encore un
vieux Blake et Mortimer... attention l'Internationale attaque la Mondialisation.
Vous ne le saviez pas ? Eh bien vous allez le lire.
4- La Directive Européenne 98/44 dite de "brevetabilité des inventions
biotechnologiques". Où est la présidence française ? Rendez-vous à Nice
pour la retrouver retranchée dans son bunker. En attendant votre corps
est à vendre en pièces détachées.
5- Les OGM, les gendarmes, les citoyens et la démocratie. La suite de
« Moi j'y étais et je veux cracher ». Des actions continuent dans certains
groupes locaux en France. Ici un exemple.
6- Les poulets à l'OGM. Expérience sur les volatiles... l'OGM est soluble
dans le muscle de poulet. Un nouveau plat à déguster chaud.
7- Vous avez rendez-vous avec ATTAC
______________________________
1- Nice 2000
____________________________________________________________
Manifester ? Voyager ? Manger ? Dormir ? Apprendre ? Participer ?
Les différentes organisations qui préparent les mobilisations du 06
et du 07 décembre à Nice, finalisent les quelques derniers détails.
Les voyages se préparent de partout en France, et même d'autres pays,
en train ou en bus, en bateau pour nos amis corses...
Si vous voulez être informés et pouvoir consulter les dernières informations
(mise à jour, plusieurs fois par jour) : http://attac.org/nice2000/
Le 2 décembre des groupes locaux d'ATTAC en France préparent déjà un
samedi de mobilisations et de sensibilisation aux différents thèmes
et préoccupations qui nous amènerons à Nice le 6 décembre.
Rencontres, débats, tractages et manifestations, par exemple autour
du Théâtre de l'Europe, Odéon, à Paris à partir de 13h00. Pour savoir
ce qui se passe dans votre région, http://attac.org/nice2000/
______________________________
2- Nice 2000, alerte sur le « 133 »
____________________________________________________________
Dans son texte sur l'extension à la majorité qualifiée, la conférence
intergouvernementale (CIG) ne fait pas dans le détail et tranche dans
le vif. Pour Pascal Lamy, chef de file, de cette conférence, la démocratie
lui donne de l'urticaire.
En effet. Il ne préconise pas moins que la suppression du droit de veto
ouvert à tout État membre dans les négociations d'accords commerciaux
visés à l'article 133 CE du traité d'Amsterdam.
Il va même jusqu'à inclure les services, les investissements et la propriété
intellectuelle dans le champs d' application de cet article dont il
propose une révision radicale.
Les motivations ne sont pas explicites dans le texte de la CIG mais
néanmoins facilement décelables après une lecture un peu plus approfondie,
dont nous allons ici en résumé le contenu et les points les plus importants
au fil de l'introduction, de l'article 133 et du protocole proposés.
L'INTRODUCTION :
Il fallait bien justifier l'abolition du droit de veto ouvert à chaque
État membre.
Le prétexte évoqué risque fort de nous être servi à toutes les sauces
: l'élargissement de l'Union européenne.
En vue d' une Europe de trente États membres, il fallait, selon Pascal
Lamy, trouver une solution pour parer à toutes situations de " blocage
" que pourrait entraîner le droit de veto que représente le vote à l'
unanimité.
Nul doute que les tenants de cette solution vont chercher à disqualifier
systématiquement toutes les alternatives capables d'apporter une réponse
à une situation de "blocage" sans remettre fondamentalement en cause
le principe de l'unanimité et le droit de veto. Pour faire d'une pierre
deux coups, le nouveau texte introduit dans le "commerce" ce qui en
était exclu auparavant, à savoir : les services, ce qui comprend bien
entendu les services publics, mais aussi les professions libérales (médecins,
notaires, avocats, huissiers, etc...), ainsi que les investissements
et la propriété intellectuelle.
Cela risque effectivement de provoquer des levées de bouclier de la
part des citoyens de certains États membres pour ce qui concerne la
libéralisation des services publics et la marchandisation de la propriété
intellectuelle qui ne touche pas seulement les productions artistiques
mais aussi les découvertes tant médicales et scientifiques que génétiques.
Pour que les prochains accords commerciaux orchestrés par l'OMC (dont
l'AGCS) puissent se concrétiser rapidement, sans "entrave" et sans contestation
possible, il faut donc abolir le droit de veto.
Voilà ce qu'il faut surtout retenir des intentions de ce texte qui a
été impulsé par les lobbies industriels pour qui les portes de la Commission
sont grandes ouvertes, voir même le tapis rouge déroulé, notamment pour
l'ERT (table ronde des industriels européens).
C'est ce que suggère la phrase " A la lumière des dernières discussions
" de l'introduction. Ces "discussions" ont abouti à deux options que
nous verrons plus loin.
Mais ce n'est pas tout. Les représentants de la CIG sont invités, en
fin d'introduction, à réfléchir sur les moyens de ce que l 'on pourrait
qualifier d'introduction de l'AMI dans le traité d' Amsterdam.
Car il faut comprendre du dernier paragraphe de l' introduction qu'il
faut trouver les moyens d'étendre à toutes les activités humaines, sources
de profits financiers, le système permettant aux industriels et aux
financiers de s'en accaparer les bénéfices, de le verrouiller et de
le maintenir sous le contrôle de l' OMC.
Les termes employés ne laissent aucun doute. A les écouter on pourrait
croire qu'ils veulent instituer l'OMC Chef de l'État-Monde.
LES OPTIONS 1 ET 2 :
Très similaires, sauf que l'option 2 n'inclue pas les investissements
dans le champ d'application de l'article 133. Sauf aussi que la disposition
n°5 dans la première option est supprimée tandis qu'elle est modifiée
dans l'option 2.
Mais elles sont fondamentalement identiques, puisqu'elles suppriment
toutes deux le vote à l'unanimité (droit de veto), en instituant en
sa disposition 4 le vote à la majorité qualifiée, alors que l'unanimité
est prévue à la disposition 5 originale qui exclue également les secteurs
inclus par les nouvelles dispositions.
Mais, ce à quoi il faut désormais porter toute son attention c'est le
comité consultatif prévu à la disposition 3. En effet, le droit de veto
aboli donne officieusement presque tous les pouvoirs à ce comité appelé
"comité 133" qui en principe n'a qu'un rôle de consultation. Or il s'avère
être, en réalité, le porte parole exigeant de l'OMC et des lobbies pour
lequel la Commission servile soumet les propositions au Conseil, représenté
par les Chefs d'État ou de Gouvernement des pays membres qui doivent
se prononcer en donnant leur accord ou non (ratifier).
Les pouvoirs de ce comité sont considérables.
Entre autres, il est compétent pour toutes les matières couvertes par
l'OMC, c'est par lui que passent les accords pris dans le cadre du système
des préférences généralisées et c'est donc ce Comité qui serait au cour
des négociations, à partir de juillet 2001, pour libéraliser les échanges
entre l'Union et les pays du Mercosur.
Le Comité 133 s'avérerait être un loup dans la bergerie. Il préparerait
les textes, qu'il propose à la commission qui les rédige, en étroite
collaboration avec les lobbies, on s'en doutait un peu. Mais surtout,
il impose ses directives au nom de la Commission bien qu'il ne bénéficie
d'aucune légitimité.
De plus, les négociateurs ne sont responsables que devant leur hiérarchie
administrative.
En fait, et pour résumer. le Comité 133 est l'outil de légitimation
de l'OMC et des lobbies.
Aussi, ce système est parfaitement verrouillé. Le verrou le plus important
étant posé par la disposition 5 de l'option 2 : une fois ratifié à la
majorité qualifiée, le protocole annexé à l'option 2, qui s'imposerait
alors à tous les États membres, serait lui même amendable cette fois-ci
à la double condition de l'unanimité et de la consultation parlementaire
! c'est ce qu'on appelle l'effet de "cliquet".
LE PROTOCLE :
Il sert surtout à verrouiller davantage le système puisqu'il instaure
une procédure unique pour les négociations, quelque soit le secteur
concerné (Art. 2), il opère à un transfert de compétence de l'UE et
des États membres vers la Commission qui parlerait en leur nom. Chaque
État membre n'aurait plus la possibilité de proposer individuellement
son point de vue et n'aurait aucun contrôle sur la conduite des travaux
entre la Commission et l'OMC (Art. 3).
Toutefois, on laisse croire à une possibilité de "débat" pour les revendications
d'un État membre.
Or il s'agit davantage d'une pseudo-discussion puisque l'issue est soumise
à la validation des autres États membres avant d'être soumise à l'OMC.
Ce qui paraît logique puisqu'il revient à la Commission de soumettre
la proposition à l'OMC et qu'elle le fait au nom de tous les États membres
(Art.4).
Mais ce ne serait pas le plus malheureux si la Commission, investie
ici d'un nouveau pouvoir, était réellement maître de l'orientation des
débats avec l'OMC et surtout de leur conclusion. Or, même si le texte
ne le dit pas explicitement, on devine qui décide à la lecture des termes
très évocateurs qui mettent la Commission en position de celui qui propose
et l'OMC de celle qui dispose.
Encore que les propositions sont le fruit des volontés de cette dernière
via le "comité 133".
Le Conseil n'étant là que pour légitimer ces volontés (Art.5).
Enfin pour en terminer. En cas de conflit (Art. 7 et 8) le protocole,
comme dans l'AMI, n'envisage que deux cas de figures : Entreprise(s)
(multinationale(s)) contre État(s), ou État(s) contre État(s), il n'
envisage pas l'hypothèse d'État(s) contre entreprise(s).
Comme lors de la conduite des travaux, le ou les États membres concernés
sont représentés par la Commission qui doit veiller à " l'unité " de
l'UE.
Si cela à une consonance solidaire, il n'en est rien. Par "unité" il
faut entendre "accord".
Tous les États membres doivent être d'accord sur la défense à tenir
puisque, encore, c'est la Commission qui parle au nom de tous, quand
bien même un seul État serait visé.
Mais ce n' est pas tout, le ou les États en question seraient soumis
à une "juridiction" supra nationale, à savoir l'ORD (Organe de Règlement
des Différents) toute vouée à la cause libérale et dont on connaît d'
avance les positions et de façon très concrète depuis le différend,
dans le cadre de l'ALENA, qui avait opposé une multinationale US à l'
état canadien qui avait dû abroger une loi visant à protéger l' environnement
et dédommager la multinationale US des bénéfices escomptés qu'elle n'avait
pas pu faire du fait de cette loi. L'ORD avait ainsi autoriser la multinationale
à continuer de polluer les rivières.
Après l'OMC Chef de l'État-Monde, l'ORD Cour suprême internationale
?
Il ne fait aucun doute des intentions de cette CIG et de la révision
de l'article 133 : ouvrir grandes les portes à la libéralisation tous
azimuts sans aucun contrôle citoyen et sans aucune possibilité de retour
en arrière.
Nous ne devons pas laisser passer ça, sinon on risque d'être bons pour
ranger nos banderoles et hurler seuls entre quatre murs.
N'achetons pas la corde avec laquelle ils veulent nous pendre !
TOUS A NICE LE 6 DECEMBRE !
Jean Marc Fiorese. nordessonne@attac.org
Autres documents sur le « 133 » ainsi que le texte original de proposition
de réforme : http://www.attac.org/fra/list/doc/george.htm
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3- Nice 2000 vu du MEDEF
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Texte brut extrait du "mensuel de l'actualité économique et sociale"
de l'UIMM
(union des industries métallurgiques et minières) - principale composante
du Medef - sur notre mouvement et Nice.
"...La situation est apparemment plus calme qu'au printemps, les conflits
les plus médiatiques ayant cessé.
Il n'empêche que le climat s'alourdit. Les tensions sont latentes aussi
bien dans le secteur marchand que dans le secteur public.
Dans le même temps, le clivage s'est accentué entre les cinq organisations
syndicales à l'occasion des négociations sur l'assurance chômage.
Ces confédérations représentatives sont au surplus vivement critiquées,
voire combattues par la myriade d'organisations (syndicats et associations)
constituant le "pôle radical".
Le mouvement protestataire contre la mondialisation mobilise précisément
cette mouvance. Le militantisme trouve, semble t-il, dans ce domaine,
un écho grandissant et suscite , en dehors du monde de l'entreprise,
des formes d'actions radicalement nouvelles mais qui auront fatalement,
à terme, des retombées sur les entreprises. (...)
Comme nous le disions, au lendemain des deux congrès de la CGT et de
la CFDT, en février 99, (...) l'échiquier syndical a d'avantage de chance
de rester éparpillé que de se "recomposer" (...)
Dans l'immédiat, des alliances d'un autre type se nouent pour former
un front anticapitaliste visant à lutter contre la mondialisation. Nous
avons déjà évoqué ce mouvement à l'occasion des manifestations de Seattle
contre l'OMC à la fin de l'année dernière.
On a retrouvé à Millau, le 30 juin dernier, ces forces qui entendent
s'opposer à la "dictature des marchés".
Il ne faudrait surtout pas réduire ces "nouveaux mouvements sociaux",
parfois hauts en couleurs, autour d'un personnage pittoresque à une
manifestation folklorique. Il s'agit d'une tendance de fond qui s'affirme,
s'organise et surtout s'internationalise.
Le plus frappant est l'élargissement de l'éventail composant cette vague
anti mondialiste.
Côté français, on y trouve les trois syndicats opposants à l'accord
du 14 juin, le groupe des Dix-Solidaires (nouvelle appellation) qui
regroupe les syndicats SUD, les trois associations de chômeurs citées
plus haut, ATTAC, les associations de "Sans" (DAL, Sans-logis, etc...).
Les partis politiques n'étaient pas non plus en reste: PC, verts, sans
oublier la LCR, LO...
La confédération des syndicats libres (CISL: 125 millions d'adhérents)
"s'interroge": elle estime de sa vocation de contribuer à élargir une
"nouvelle gouvernance de l'économie mondiale qui soit effectivement
au service du développement humain pour tous et pour toutes".
On insistera sur la nature radicalement nouvelle de cette mouvance,
tant par ses mobiles que ses méthodes: l'action directe (avec opérations
"coup de poing"), l'utilisation des médias fort complaisants à leurs
thèses pour émouvoir l'opinion publique de façon sympathique, l'exploitation
d'Internet qui est un formidable vecteur de propagation de ses thèses
et un puissant fédérateur.
L'habileté des leaders est également à souligner, notamment leur volonté
de donner à ce type de manifestations, le caractère d'une fête joyeuse,
bannissant les violences mais rassemblant force intellectuels avec le
soutien plus ou moins explicite de dignitaires religieux pour équilibrer
l'aspect doctrinal et l'aspect "ludique" qui attire les jeunes.
Bref, ces organisateurs bien décidés à réitérer ce nouveau genre de
"grand-messe", à l'occasion des réunions du FMI ou de l'OMC, doivent
être pris au sérieux.
Il s'agit ni plus ni moins d'une esquisse de "Cinquième Internationale".
Ce mouvement se déroule en dehors des entreprises, mais celles-ci en
subiront forcément, à terme, des retombées, et elles ne semblent guère
préparées à faire face".
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4- La Directive Européenne 98/44 dite de " brevetabilité des inventions
biotechnologiques "
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Le 30 juillet 2000, la directive européenne 98/44 aurait dû être transposée
dans le droit français.
L'appel du député J-F Mattei soulignant qu'elle était contraire à la
loi de bioéthique de 1994 a entraîné le report sine die de cette transposition.
Sans revenir sur les arguments juridiques à l'encontre de cette directive,
qu'implique-t-elle pour l'agriculture et la santé ?
L'article 4 et l'agriculture
Selon l'article 4 §1a. " Les variétés végétales et les races animales
ne sont pas brevetables ", mais l'alinéa 2 en permet la brevetabilité
lorsqu'elles résultent d'une transgénèse : " Les inventions portant
sur des végétaux ou des animaux dont l'application n'est pas techniquement
limitée à une variété végétale ou à une race animale sont brevetables
".
La directive introduit une discrimination légale favorisant les solutions
" transgéniques inutiles et dangereuses des transnationales aux dépens
de méthodes efficaces et durables, écologiquement élégantes, mais sans
profit pour les transnationales.
De telles solutions " consistent à trouver des parades aux maux que
les solutions " transgéniques précédentes auront créés.
Au Canada, la culture de variétés transgéniques de colza tolérantes
aux herbicides Roundup de Monsanto, Liberty d'Avantis et Pursuit de
Cyanamid a provoqué l'apparition d'une triple résistance.
Les agriculteurs devront recourir à des herbicides plus toxiques et
en quantités accrues. 71 % des superficies transgéniques sont des plantes
tolérantes (la plante stocke l'herbicide sans en souffrir) aux herbicides.
Les producteurs d'OGM ne sont-ils pas des agro-chimistes ?
La Commission a rejeté les amendements proposés par les Verts et visant
à élargir le droit de réensemencement. Il ne faut pas s'en étonner.
Le brevet est ici tourné contre le vivant, contre les paysans - contre
chacun de nous.
Pourquoi ? Un " semencier " n'a pas de marché tant que le paysan sème
le grain récolté.
Son objectif est donc d'interdire au paysan de semer le grain récolté.
Plus précisément, un sélectionneur ne peut vendre le " fait variétal
" (le " logiciel génétique ") tant que le paysan le reproduit et le
multiplie, c'est-à-dire le copie dans son champ.
C'est que toute production biologique passe par une reproduction. La
nature s'oppose ainsi au " droit naturel du profit ". Elle a tort.
Terminator, cette transgénèse de stérilisation, est bien le plus grand
triomphe de la génétique agricole depuis cent cinquante ans, celui de
la loi du profit sur celle de la vie.
Toutefois, cette nécrotechnologie est coûteuse à mettre en ouvre et
peu fiable. Ne serait-il pas plus rentable de faire légalement cette
expropriation, par le brevet ?
C'est l'objet de la directive. Aux Etats-Unis des centaines d'agriculteurs
sont traînés devant les tribunaux pour avoir enfreint le privilège que
le brevet confère aux industriels des " sciences de la vie ".
Tout privilège crée un sentiment d'injustice chez ceux qu'il exclut.
Il suscite la " triche ".
Aux Etats-Unis, Monsanto utilise les services de détectives privés pour
débusquer la " piraterie " - c'est le terme qui désigne dorénavant la
pratique fondatrice de l' agriculture, semer le grain récolté. Selon
cette logique, se nourrir serait un recel.
Et pour faire bonne mesure, ce chef de file des sciences de la vie ",
met à la disposition des agriculteurs des lignes téléphoniques gratuites
pour qu'ils dénoncent anonymement leurs voisins " pirates ".
En résumé, la directive européenne organise une discrimination en faveur
de " solutions " transgéniques inutiles dont l'opinion publique ne veut
pas ; elle crée un privilège pour quelques transnationales et conduit
à une société de délation.
L'article 5 et la santé
5§1.
Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son
développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments,
y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène ne peuvent
constituer des inventions brevetables.
5§2.
Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé
technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène,
peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet
élément est identique à celle d'un élément naturel.
Observons la roublardise transformant une " découverte " (non-brevetable)
à l'alinéa 1 en " invention " brevetable à l'alinéa 2.
Cet article 5 est bien contraire à la loi de bioéthique de 1994.
Mais là n'est pas le plus important. Le secteur pharmaceutique se concentre.
Une douzaine de transnationales contrôlent un marché segmenté en spécialités
- un marché de vie et de mort, et donc immensément rentable. Elles visent
à l'étendre.
C'est la logique même du marché. Ces firmes prétendent lutter contre
la maladie. Mais, fonds de pension et spéculation financière obligent,
leur objectif est d'accroître leurs profits.
Elles nous proposeront des techniques satisfaisant cet objectif, aux
dépens de notre santé s'il le faut.
La puissance du nouveau (17 janvier 2000) groupe Glaxo-Wellcome-Smithkline-Beecham
repose sur " une force de vente de 40 000 personnes " - sur un total
de 105 000 !
Aux seuls Etats-Unis, 7 600 visiteurs médicaux contrôlent les médecins
et les transforment en " prescripteurs ". Cette force de vente contribue-t-elle
à la qualité des soins ou aux profits des actionnaires ?
Le docteur J. Orbinski, président de Médecins Sans Frontières, écrit
qu'au Kenya, le traitement contre la méningite opportuniste du Sida
avec le fluconazole coûte 120 francs par jour, mais seulement 4 francs
par jour en Thaïlande.
Au Kenya, le fluconazole est breveté, il ne l' est pas en Thaïlande.
Au Kenya, les malades meurent. Les médicaments sont déjà brevetés.
Faut-il aussi breveter en amont les gènes qui en seront la source ?
Faut-il laisser des cabinets d' avocasserie d'origine américaine organiser
le partage des marchés ?
Faut-il breveter le vivant et privatiser la recherche publique comme
c 'est le cas partout dans le monde, qu'il s'agisse d'agriculture ou
de santé ?
Ne faudrait-il pas plutôt rendre publique cette recherche privée afin
que les talents qu'elle stérilise à des tâches aussi monstrueuses que
Terminator et ses clones et que les sommes englouties dans la défense
de leurs brevets pour ne rien dire du contrôle des prescripteurs " soient
mis au service de tous ?
Mais ce n'est pas tout. Le brevet sur le vivant est inséparable d'une
nouvelle conception, prétendument scientifique, de la maladie : les
maladies seraient génétiques. Nous soigner exigerait de breveter les
gènes. Ce déterminisme génétique vaut pour quelques maladies rares -
qui n' intéressent pas ces firmes.
Leur objectif est d'utiliser un succès éventuel comme vitrine pour généraliser
leur idéologie génétique à l' immense marché des maladies " de civilisation
" - cancers, obésité, maladies mentales, allergies, et pourquoi pas
?, à celui de vieilles maladies, en plein renouveau comme la tuberculose.
Ainsi, des spécialistes londoniens ont fait la démonstration en Gambie
(que) les hommes ne sont pas génétiquement égaux face au risque de l'infection
tuberculeuse ...
Comme on vient de l'établir pour la contamination par le virus du sida,
certaines personnes sont, du fait de leur patrimoine héréditaire, plus
que d'autres exposées à la maladie ".
Belle découverte : nous sommes tous différents !
Le travail des spécialistes londoniens débouche sur une tautologie qui
introduit une causalité génétique dans une maladie que l'on disait jusqu'ici
due au bacille de Koch.
Pourtant, la tuberculose n'est pas plus due au bacille de Koch que l'
obésité au gène découvert en mars 1997 (ou le cancer aux oncogènes).
L 'incidence de la tuberculose dans les pays industriels avait diminué
de 90 % en 1914, avant même que la première molécule active contre le
bacille de Koch ne soit disponible : en une cinquantaine d'années, la
diminution du temps de travail, l'amélioration des conditions de travail,
la suppression du travail des enfants, des augmentations de salaires,
de meilleures conditions d'alimentation, d'hygiène et de vie etc., avaient
assaini le terrain sur lequel le BK prospérait.
On peut combattre la tuberculose en en supprimant les causes sociales
ou en s'attaquant au BK avec des antibiotiques (ou en en soignant les
gènes).
On sait que la deuxième méthode ne peut contrôler la tuberculose qui
fait un retour foudroyant, y compris dans les pays développés du fait
de la dégradation des conditions de vie d'une partie de la population.
La maladie " génétique " introduit un élément nouveau par rapport à
la maladie microbienne qui laissait la porte ouverte à la compréhension
des causes sociales et politiques de la maladie, bref à son écologie
politique et, donc à la mise en ouvre d'une politique de santé publique,
s'attaquant à ses causes, plutôt qu'à son agent, le bacille de Koch.
Mais avec la maladie génétique, la maladie devient propre à l 'individu.
Ses mauvais gènes en font une victime désignée.
Le malade devient un " patient " - " personne qui subit par opposition
à agent " .
Soit dit en passant, on trouvera presque toujours des gènes responsables
" (dans cette conception scientifique étriquée de la causalité) d'une
pathologie puisque les gènes fabriquent des protéines qui jouent un
rôle dans toutes les fonctions de la vie.
Quel est l'enjeu de " découvertes " qui, à l'examen, sont autant de
tautologies ?
Du point de vue des transnationales semencières, il n'y a pas de plus
grande injustice que la faculté des plantes et des animaux de se reproduire
dans le champ du paysan. Tout a été fait pour s'en débarrasser.
Pour ces mêmes firmes des " sciences de la vie ", une personne en bonne
santé porte préjudice à leur rentabilité.
Tout sera donc fait pour l'en débarrasser.
Ne faut-il pas comprendre la théorie génétique de la maladie, le battage
médiatique du " tout génétique ", le chantage au brevet qui "en-protégeant-l'
investissement-permettra-de-nous-débarrasser-de-la-maladie " dans ce
cadre de l'économie politique ?
Nous sommes tous porteurs de maladies " génétiques " - en jargon de
susceptibilités aux maladies génétiques " - une cinquantaine au moins,
dit-on.
Pour les Dr Knock transnationaux, toute personne bien portante est
un malade qui s'ignore.
La maladie génétique et la médecine " prédictive " font de tout être
humain (et ce, avant même sa naissance), un malade potentiel de la naissance
à la mort.
Le marché médical s'élargit à toute personne en bonne santé - exactement
comme Terminator, le brevet et autres " hybrides " étendent le marché
des semences " à la totalité de la superficie cultivée de la planète.
Bis repetita... En somme, pour nous débarrasser de la maladie, il faut
faire de chacun de nous un malade potentiel.
C'est la fin de tout système de sécurité sociale.
En résumé, que prépare le gouvernement à propos de la directive européenne
98/44 ?
Se joindra-t-il aux pays européens (Italie, Pays-Bas, Norvège) qui ont
déposé un recours devant la Cour Européenne de Justice ?
La présidence française ne devrait-elle pas plutôt proposer de faire
du vivant un bien commun de l'humanité inappropriable par quelque moyen
que ce soit ?
Jean-Pierre Berlan, Directeur de Recherche INRA le 9 octobre 2000.
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5- Les OGM, les gendarmes, les citoyens et la démocratie
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Il y a trois mois la Confédération Paysanne et un groupe d'agriculteurs
biologiques, le GABB, découvrent deux parcelles de maïs OGM au milieu
d'une plantation anodine.
Ils invitent alors la population du Maine et Loire et la presse à un
"Pique-nique citoyen" sur les lieux en question, le 16 septembre 2000.
Trop tard ! Le 9 septembre, au nez et à la barbe des vigiles engagés
par la société agrochimique "Biogemma", les parcelles sont détruites
par des inconnus.
La Confédération Paysanne et le GABB assurent qu'ils n'y sont pour rien
: lorsqu'ils décident ce genre d'action, ils le font savoir !
Alors, sous la houlette du Procureur de la République de Saumur, la
gendarmerie enquête.
Elle enquête si bien qu'elle finit par découvrir une trace de sang sur
une feuille : du sang de femme !
Depuis, sur instruction du Procureur, les gendarmes "cherchent la femme"
parmi les militantes anti-OGM, ou même parmi les compagnes des militants,
lesquelles ont été photographiées, lors d'une précédente réunion publique
d'information sur les OGM (26 août 2000).
En utilisant ce qu'il faut de persuasion, ils invitent ces dernières
à cracher sur un morceau de buvard afin d'analyser leur "ADN"!
Un type d 'analyse jusqu'alors réservé à des enquêtes criminelles !
Comme nous, vous souhaitez protester contre la criminalisation de l'
action citoyenne.
Se sentir concerné par le débat sur les OGM; essayer de comprendre,
c'est devenir suspect.
Participer à une réunion publique sur les OGM, c'est s'exposer à être
photographié par les Renseignement Généraux, à voir le numéro d'immatriculation
de sa voiture relevé !
Contre l'utilisation de prélèvements d'ADN sur des militants anti-OGM.
Ce procédé banalise le fichage ADN des citoyens, et porte atteinte aux
libertés individuelles.
Contre la réalisation, en plein champ, d'essais de culture transgénique.
Les pouvoirs publics se font les défenseurs des secrets industriels
des firmes agrochimiques.
Nous exigeons un contrôle citoyen transparent et démocratique des OGM.
Afin de contrer ces manoeuvres d'intimidation, participez à la manifestation:
" Crachats solidaires contre les OGM ! "
Rassemblement devant la gendarmerie, 6 Bis place Freppel ANGERS (près
de la cathédrale) Mardi 21 novembre 2000, à 18h
Afin de faciliter la tâche de la justice, une bassine commune recueillera
les crachats des citoyens.
ATTAC 49 - 15 rue du canal / 49 100 Angers - angers@attac.org
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6- Les poulets à l'OGM
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3 novembre 2000 :
Transfert de morceaux de gènes du mais Bt aux poulets.
Dans le cadre d'un projet sur le transport de gènes dans la chaîne alimentaire
mené en collaboration avec l'institut de physiologie de l'université
technique de Munich, le bureau fédéral de recherche sur la viande de
Kulmbach, l'institut pour l'alimentation animale de Braunschweig, des
chercheurs de l'institut pour les sciences alimentaires de l'université
Friedrich Schiller et Jena ont mis en évidence la présence de morceaux
du patrimoine de maïs génétiquement modifié dans des organes et la viande
de poulets.
Les animaux avaient été nourris durant les 32 jours de leur vie avec
Du maïs Bt. Après leur abattage, des gènes étrangers ont été recherchés
à l'aide de la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) dans des échantillons
de tissus des reins, de la rate, du foie, ainsi que dans les muscles
des cuisses et de la poitrine.
Information supplémentaire :
Prof. Dr. Gerhard Jahres Institut fur Ernahrungswissenschaften der Friedrich-Schiller
universitat Jena
Tel : 03641 / 949611 - Fax : 03641 / 949612
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7- Vous avez rendez-vous avec ATTAC
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D'ici au prochain numéro du Courriel d'information voici quelques rendez-vous
d'ATTAC et de ses groupes locaux auxquels vous pouvez participer.
Pour plus d'information, n'hésitez pas à consulter notre calendrier
http://attac.org/rdv/
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